Se préserver émotionnellement de son boulot
La petite histoire
Cette collègue était de celle qu'on appelle une "cador" dans son domaine. Reconnue de tous dans son métier, elle en imposait par ses connaissances et son énergie à mener à bien ses projets. J'ai beaucoup appris auprès d'elle d'ailleurs (même si je me suis heurtée plus d'une fois à ce roc lorsque nos avis divergeaient !). Elle était forte et déterminée, toujours dans l'action et pas dans le "paraître". Tout ce que j'aime. Bref, c'était un peu un modèle pour moi qui débutait ma vie professionnelle.
Et puis un jour, plus rien. Une absence de quelques jours qui s’éternise en plusieurs semaines, puis plusieurs mois. Plus de nouvelles. Pas de mots sur cette absence. Alors on y va tous de nos suppositions en repensant à un détail qui aurait pu nous aider à comprendre ce qui s'était passé. Et petit à petit on comprend. On comprend que le stress emmagasiné toutes ces années, un jour, lui a dit stop. Que d'épuisement, cette année-là, après ces vacances d'hiver, sa tête lui a dit stop. Que malgré sa force apparente, tout son être lui a dit stop. Et quand on connait la force de caractère de cette personne, on est ébahi que cela ait puis lui arriver à elle. L'épuisement professionnel. Le burn-out.
Elle est revenu plus de 5 ou 6 mois plus tard au boulot. Mais nous ne l'avons jamais vraiment retrouvé. On la sent fébrile. Moins sûre d'elle. Ce qui ne remet pas du tout en cause ses compétences et aptitudes, mais c'est le contraste avec son "avant" qui est saisissant. On sent que certains moments ne sont pas faciles pour elle. On est tous bienveillant avec elle. On espère qu'un jour, elle ira mieux.
J'ai toujours gardé cette histoire de côté, dans un coin de ma tête. Et récemment, j'y ai repensé.
Ma petite histoire
J'ai de nouvelles responsabilités depuis quelques mois et comme toujours chez moi, l'envie de bien faire. Je me sur-investis les premiers mois. J'adore ce que je fais, donc je n'ai même pas l'impression, au début, de me forcer à quoi que ce soit. Je bosse le soir de chez moi. Le week-end aussi. J'arrive le lundi matin avec le sentiment de satisfaction d'avancer plus vite ainsi. Je donne toute mon énergie en journée. "Au taquet" comme on dit. Et pour avoir encore plus d’énergie, je me mets au café ! Ça n'a l'air de rien mais moi, la fan de thé, je bois du café pour booster mes matinées...
Je suis disponible pour tout le monde. J’enchaîne les réunions. Ça par contre, ça m'agace vite : être présente en réunion, c'est renoncer à du temps pour avancer sur mes projets. La frustration naît peu à peu d'être freinée dans mes tâches à cause de ces réunions. Et les mails aussi. J'en ai trois fois plus qu'il y a quelques mois. Autant de demandes supplémentaires à traiter. Et moi la nana calme et patiente, je me surprends à m’énerver pour un rien, à râler derrière mon ordi, à perdre patience pour des broutilles.
Les nuits, je m'endors "direct". Moi qui avais tendance à mettre du temps à m'endormir, c'est à ce moment là, mon corps qui commande et qui s'endort de fatigue. Oui mais. Je me réveille au minimum 5 fois par nuit, et à chaque éclair de lucidité, je me surprends à penser au boulot. A ce rapport que je dois relire. A cette réunion que je dois préparer. A ce dossier que je dois finir. Ça m'agace de penser "inconsciemment" autant à mon boulot. Mes nuits sont aussi stressées que mes journées.
Et puis ce vendredi soir. J'arrive chez moi, épuisée. Au bord des larmes tellement je sens mon corps fatigué. C'est idiot à dire, parce que concrètement personne ne me met la pression. Mais voilà, moi, je me la met. C'est dans mon tempérament de vouloir toujours bien faire les choses. J'ai toujours fonctionné ainsi : à bien faire les choses, on ne regrette rien. Mais là, ce soir là, il ne m'aurait pas fallu grand chose pour fondre complètement en larmes. Sans raison. Juste parce que je me sentais épuisée. Tout ce week-là, j'ai pensé "je ne veux pas retourner dans le tourbillon des 5 jours". Car une fois au boulot, tout s’enchaîne.
Mes mantras du moment
Je crois être loin du burn out, mais je prends conscience que cela ne va pas. Je sens les prémices d'un épuisement physique et presque nerveux. Cela ne me ressemble pas d'être à fleur de peau pour un rien. Cela ne me ressemble pas de m'énerver pour un rien. Cela ne me ressemble pas d'aller au boulot à reculons. Cela ne me ressemble pas de boire du café :) !
J'aime mon taff, mais je ne veux pas qu'il me bouffe.
J'aime mon taff, mais je ne veux pas qu'il m'épuise.
J'aime mon taff, mais je ne veux pas qu'il soit mon tout.
Je n'ai pas encore franchi le pas d'en parler à un médecin. Mais je suis en pleine conscience de ce qui se passe et si cela ne s'arrange pas, alors peut être que oui, je franchirai ce cap.
En attendant, je lève le pied de l'accélérateur et je me force à appliquer ces petits mantras.
Je fais moins d'heure au boulot et je ne culpabilise pas.
J'apprends à dire non au boulot. J'arrête d'être sur-disponible.
J'avais tendance à vouloir aider tout le monde, à accepter toutes les réunions où on me demandait mon avis, tous les projets qu'on voulait me confier et cela, au détriment de mon propre travail. A dire oui à tout le monde, tu te retrouves à 19h sans avoir fait le dixième de ce que tu aurais du faire. Le stress s'accentue et en attendant, tes gentils collègues, ils sont chez eux avec leurs proches. Aujourd'hui, j'ai un peu de mal à dire "non". Mais je dis gentiment avec le sourire et une petite voix mielleuse "désolée, pas tout de suite". Du coup, dans 90% des cas, je me rend compte que les gens trouvent leurs réponses tout seul (tient donc !).
Je ne mets pas tous mes œufs dans le même panier.
J'adore mon boulot, et pour en avoir discuté avec pas mal d'ami(e)s, je sais que malheureusement c'est assez rare. Ce que je fais me passionne. Mais j'ai d'autres passions. Et je crois qu'il est important de ne pas mettre toutes ces émotions dans une seule et unique chose : le taff. J'ai besoin de le désacraliser même si cela est plus difficile à dire qu'à faire.
Je me rapproche de mes proches. Je profite de mes cours de danse. Je fais de la photo. Je me mets à l'aquarelle. Je cuisine ! Je fais du shopping ! J'ai un blog ! Oui je sais, c'est un peu idiot d’écrire tout ça mais croyez moi, j'y avais progressivement renoncé. Et aujourd'hui ces petits bonheurs, sont de véritables bulles d'oxygène, presque vitales. Je me force parfois un peu, mais une fois une des bulles utilisées, je me sens forte et détachée de ce qui m'a épuisé ces dernières semaines.
Et je crois que ça ne peut aller que mieux ainsi. Je m'accroche et je sais que le plus grand levier de cette histoire, c'est moi et ma prise de conscience de mes tourments du moment. Je vais prendre soin de ma petite personne car ce n'est pas mon big bosse qui le fera pour moi !
Je finis cette article avec la danse loufoque de Jean Rochefort dans le Mari de la Coiffeuse, danse libérée que je compte bien reproduire demain matin avec ma tasse de thé !
Et je crois que ça ne peut aller que mieux ainsi. Je m'accroche et je sais que le plus grand levier de cette histoire, c'est moi et ma prise de conscience de mes tourments du moment. Je vais prendre soin de ma petite personne car ce n'est pas mon big bosse qui le fera pour moi !
Je finis cette article avec la danse loufoque de Jean Rochefort dans le Mari de la Coiffeuse, danse libérée que je compte bien reproduire demain matin avec ma tasse de thé !
2 commentaires
une petite vidéo de ta propre danse ? hahahah pour le boulot c'est normal de se mettre à fond quand on aime ce que l'on fait mais fait attention
RépondreSupprimerHa-ha, j'ai besoin de peaufiner mon style de danse avant car là, je n'arrive pas à la cheville du grand Monsieur Rochefort, mais j'y travaille !
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